Les rorquals à bosse comme Godbout nous impressionnent souvent par leurs comportements exubérants: sauts hors de l’eau et coups de nageoires.
Godbout n’était pas connue des chercheurs, on ne l’avait jamais photographiée avant de retrouver sa carcasse. Pour reconnaitre les rorquals à bosse, on se sert surtout du motif de coloration présent sous la queue, que la baleine dévoile lorsqu'elle plonge.
Ces motifs sont souvent bien distincts et permettent parfois aux observateurs de reconnaitre une baleine bien connue au premier coup d’œil.
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Tic Tac Toe est une femelle très connue du Saint-Laurent. Elle y a été observée chaque année depuis 1999.
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H858 est un jeune rorqual à bosse connu depuis 2017 dans le Saint-Laurent.
Le 3 mai 2017, la carcasse d’une jeune femelle rorqual à bosse vient s’échouer sur la rive du village de Godbout, sur la Côte-Nord du Québec. Pour tenter de découvrir la cause de sa mort, une nécropsie est effectuée.
Une nécropsie n’est pas effectuée à tous les coups, surtout quand la population de l’animal se porte bien comme c’est le cas pour le rorqual à bosse. Toutefois, à la même période où Godbout a été retrouvée, une mortalité élevée de rorqual à bosse était enregistrée aux États-Unis, ce qui a poussé les chercheurs à vouloir investiguer.
Crédits: Cyndi Gauthier
La carcasse de Godbout est retrouvée échouée le 3 mai 2017 sur la plage du village qui a donné son nom à la baleine. Une bénévole du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins est venue documenter la situation et attacher la carcasse. Le lendemain soir, le 4 mai, la carcasse est déplacée au-delà de la ligne des hautes eaux.
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Le 5 mai au matin, la carcasse de Godbout est chargée sur une remorque pour être apportée au site d’enfouissement technique de Ragueneau où elle sera dépecée et inspectée pour trouver les causes possibles de sa mort.
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Lors d’une nécropsie, l’ensemble des organes sont inspectés. En ouvrant le tube digestif, l’équipe du dépeçage a constaté qu’il était presque complètement vide, sauf pour un peu de nourriture digérée vers la fin du tube. La baleine semblait aussi amaigrie, ce qui laisse penser qu’elle a pu souffrir de sous-alimentation. Toutefois, difficile de dire ce qui a vraiment causé sa mort.
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Une fois le dépeçage terminé, les os de Godbout ont été mis dans un conteneur afin d’être conservés en vue de la prochaine étape de nettoyage. Pendant que les os macéraient dans le conteneur, les asticots se sont chargés d’une partie du travail!
Godbout avait de grosses balanes encore accrochées à sa peau, ce qui laisse penser qu'elle était arrivée dans le Saint-Laurent depuis peu. Ces crustacés se fixent sur la peau des rorquals à bosse pendant leur séjour hivernal dans les eaux chaudes des Caraïbes.
Toutefois, ils se détachent lorsqu’ils sont exposés à l’eau froide. D’autres espèces de balanes s'attachent sur la peau des rorquals à bosse dans les eaux froides du Saint-Laurent, mais elles sont plus petites. Ces crustacés filtrent l’eau pour se nourrir et sont rarement gênants pour la baleine.
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Voici à quoi ressemblaient les balanes sur la peau de Godbout. La pièce de 2$ n'est pas là par hasard, elle a été placée là pour nous donner une idée de la taille des balanes sur la photo.
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Sur les pointes de la queue de ce rorqual à bosse qui plonge dans le Saint-Laurent, on voit de petites boules beiges: ce sont des balanes fixées sur sa peau.
L’hiver, lorsque les rorquals à bosse se rassemblent dans les eaux chaudes pour la saison de reproduction, les mâles chantent tous le même refrain. Mais ils ne sont pas seulement des interprètes, ils composent aussi...
Ils créent un nouveau «hit» à chaque saison! En effet, au fil des semaines, ils modifient graduellement leur chant. L’année suivante, ils reprennent la mélodie sur laquelle ils s’étaient quittés pour la chanter et la modifier à nouveau.
Crédits: NOAA
Ce sont surtout dans les eaux limpides des tropiques que les mâles chantent leurs sérénades.
Les nageoires pectorales des rorquals à bosse sont impressionnantes: ce sont les plus grands appendices de tout le règne animal. Elles leur seraient entre autre utile pour réguler leur température.
Pour Godbout et son espèce, qui migrent entre les eaux chaudes et les eaux froides, bien réguler sa température est un enjeu important.
Ces grandes nageoires leurs permettent aussi de faire beaucoup de manœuvres sous l'eau, comme faire des tours sur eux-mêmes ou des boucles. Des rorquals à bosse ont même été vus se servant de leur nageoire pour rassembler du poisson devant leur bouche.
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La bordure dentelée extérieure des nageoires est bien visible. Cette morphologie particulière réduirait la friction dans l’eau. Des ingénieurs s’en sont même inspirés pour la conception de turbines, hélices, ailes d’avion, etc.
Dans l’eau, le corps perd beaucoup plus facilement sa chaleur que dans l'air. Pour limiter cette perte de chaleur, les baleines possèdent une épaisse couche de graisse.
Sur terre, certains animaux possèdent d’épaisses fourrures pour se protéger du froid. Mais même la plus chaude des fourrures ne serait pas très efficace dans l’eau. C'est en réalité la couche d'air emprisonnée entre les poils qui isole. Les baleines ont donc la peau nue.
Crédits: GREMM
La couche de gras de Godbout a été jugée un peu mince pour son espèce. Malgré tout, l’épaisseur de gras est assez notable.
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Découpe de la peau et du gras de la carcasse de la baleine noire Piper. Les baleines noires ont des couches de gras particulièrement épaisses.
Comment les baleines conservent-elles leur chaleur?
Lorsqu’une baleine doit conserver sa chaleur, les artères qui traversent sa couche de graisse se contractent. Il n'y a alors qu'une petite quantité de sang qui se rend jusqu’à la surface de la peau, juste assez pour maintenir les cellules en vie.
La plus grande partie du sang est redirigée directement vers les veines situées sous la couche de gras. Ainsi, le sang qui retourne vers l’intérieur n'a presque pas perdu de chaleur à la surface de la peau.
Comment conserver sa chaleur dans les extrémités où il y a très peu de gras?
Le système sanguin des baleines est perfectionné en un système d’échange de chaleur. Les artères qui apportent le sang chaud vers les extrémités sont entourées d’un réseau de veines qui rapporte le sang vers l’intérieur.
Il y a donc un échange de chaleur qui s’effectue entre les artères et les veines. Le sang chaud des artères vient réchauffer le sang des veines au lieu de perdre toute sa chaleur à la surface de la peau.
Une baleine peut-elle avoir trop chaud?
Même dans une eau à 4 degrés, une baleine peut avoir chaud si elle s’active. Elle doit donc avoir un moyen d’évacuer sa chaleur. Heureusement, il existe un passe-droit dans le système d’échange de chaleur!
Quand la baleine a chaud, ses artères se dilatent, ce qui écrase le réseau de veines qui les entoure. Le sang refroidi à la surface de la peau doit alors revenir vers l’intérieur du corps par un autre chemin: il retourne directement dans la circulation générale sans être réchauffé par les artères.
Une baleine peut-elle faire de l’hypothermie?
Les rorquals à bosse sont en général assez bien adaptés pour conserver leur chaleur dans les eaux froides, mais ce n’est pas le cas pour toutes les espèces. Un dauphin bleu et blanc s’est déjà retrouvé à Tadoussac.
Cette espèce vit en général dans l’Atlantique, dans des eaux plus chaudes. Les spécialistes pensent que le dauphin échoué sur la Côte-Nord du Québec serait mort d’hypothermie. Il aurait suivi un groupe de dauphins à flancs blancs de l’océan jusqu’à l’estuaire du Saint-Laurent. C’est précisément dans ce secteur que les eaux du Saint-Laurent sont les plus froides. Comme Godbout avait une couche de graisse plus mince, est-il possible qu’elle ait eu froid?
Crédits: GREMM
En octobre 1992, une carcasse de dauphin bleu et blanc est retrouvée sur la plage à Tadoussac.
Les humains ont beaucoup chassé les baleines pour obtenir cette couche de graisse. Plusieurs populations de baleines, comme celle des rorquals à bosse, ont été décimées par la chasse.
Une chasse commerciale à la baleine s'est pratiquée dans le Saint-Laurent. Les baleiniers y ont beaucoup chassé la baleine noire, mais avec leur nombre qui diminuait, ils se sont tournés vers le rorqual à bosse, le rorqual bleu et le rorqual commun.
L'huile de baleine a longtemps été utilisée pour éclairer les rues et les maisons.
Crédits: BAnQ Sept-Îles, P6, S3, D4, P946 - photographe inconnu - photo restaurée par Alain Dupuis
Une fabrique d’huile de baleine dans la baie de Sept-Îles au Québec, vers 1910
La chasse commerciale à la baleine a probablement décimé 90 à 95% de la population mondiale de rorquals à bosse. Aujourd'hui, on ne chasse plus le rorqual à bosse.
Au milieu du 20e siècle, la Comission baleinière internationale voit le jour pour tenter de réguler cette chasse, qui sera éventuellement interdite dans de nombreux pays. Toutefois, même après son arrêt, les populations de rorquals à bosse semblaient avoir du mal à se remettre. D’autres enjeux, comme les empêtrements dans les filets de pêche, rendaient plus difficile leur rétablissement.
Crédits: GREMM
Des efforts ont été faits pour aider les rorquals à bosse. La population à laquelle appartient Godbout est maintenant en croissance. Depuis 2003, le nouveau statut est celui d’une population «non en péril».
Un moins grand nombre de rorquals à bosse se prennent aujourd’hui dans les filets de pêche. Les équipes de sauvetage sont aussi devenues plus efficaces pour libérer les baleines empêtrées.
Crédits: Renaud Pintiaux
Groupe de rorquals à bosse dans l’estuaire du Saint-Laurent.
Que faire pour aider d’autres espèces à se rétablir?
Il faut bien cibler les enjeux qui affectent l’espèce.
Toutes les espèces et toutes les populations de cétacés ne sont pas affectées par les différents enjeux de la même façon. En fonction de leurs habitudes de vie, certaines peuvent être plus affectées par les empêtrements, alors que d’autres pourraient être plus affectées par la contamination par exemple. Bien comprendre ce qui met en péril leur survie aide à poser des gestes plus concrets pour remédier à la situation.
Que faire pour aider d’autres espèces à se rétablir?
Il faut porter attention aux bons coups.
Il est important de porter attention aux menaces qui affectent les baleines, mais il faut aussi souligner les bons coups! Ainsi, en comprenant mieux ce qui a mené au rétablissement de l’espèce, il sera plus facile de s’en inspirer pour aider d’autres baleines. Il faut montrer les victoires pour garder espoir et trouver l’énergie de passer aux prochains défis.
Crédits: GREMM
Nageoire pectorale gauche d’un rorqual à bosse.
Maintenant que vous avez découvert l'histoire de Godbout, partez à la rencontre des autres baleines!
Rorqual à bosse
Megaptera novaeangliae
Caractéristiques
Rorquals à bosse de l'Atlantique Nord-Ouest
Poids
30 à 40 tonnes
Taille
13 à 17 m
Longevité
Environ 80 ans
Population
environ 12 000 individus
Statut
Non en péril
Godbout
Poids
7,4 tonnes
Taille
9,04 m
Naissance - Décès
probablement 2016 - Mai 2017
Numéro d’identification
non connu des chercheurs
Sexe
Femelle
Le squelette de Godbout a été remonté dans une position unique. Il a été placée dans une position d'alimentation, comme si la baleine se préparait à refermer sa bouchée à la surface de l'eau. Il est l'un des plus récent squelettes à avoir rejoint l'exposition du Centre d'interprétation des mammifères marins à Tadoussac.
Rorqual à bosse
Megaptera novaeangliae
Caractéristiques
Rorquals à bosse de l'Atlantique Nord-Ouest
Poids
30 à 40 tonnes
Taille
13 à 17 m
Longevité
Environ 80 ans
Population
environ 12 000 individus
Statut
Non en péril
Godbout
Poids
7,4 tonnes
Taille
9,04 m
Naissance - Décès
probablement 2016 - Mai 2017
Numéro d’identification
non connu des chercheurs
Sexe
Femelle
Le squelette de Godbout a été remonté dans une position unique. Il a été placée dans une position d'alimentation, comme si la baleine se préparait à refermer sa bouchée à la surface de l'eau. Il est l'un des plus récent squelettes à avoir rejoint l'exposition du Centre d'interprétation des mammifères marins à Tadoussac.